Coupe des mousses
« Il faudrait une régate spécifique pour les plus jeunes, enfin une sorte de régate vraiment à eux en fin de saison » déclara le trésorier du club.
« J’adorais, autrefois, l’ambiance détestable qui régnait chez les Optimists ! » lui répondit le président.
« Il me semble bien que tu avais marqué quelque part, régate d’Open Bic sur le calendrier ? » renchérit le secrétaire, prompt à débusquer la contradiction chez son interlocuteur.
Le président soupira, achevé par tant de mauvaise foi, avec des amis comme eux…
C’est ainsi qu’il fut décidé d’organiser la coupe des mousses un samedi 8 novembre à La Frette, on aurait pu l’appeler la coupe Eddy Mitchell, mais la dernière séance d’une saison n’est jamais définitive.
L’organisation fut vaillamment prise en main par les membres du comité de direction, des parents et les plus dynamiques de nos sociétaires, tout ce monde apportant quelque chaleur dans cet après-midi d’automne sombre frais et venteux.
4 Open Bic, un 320 et un 420 bravaient donc les éléments pour un parcours réduit à peine plus long que le quai avec un vent assez fort parfois dans le sens du courant aggravant les difficultés, sous l’œil goguenard des Vent d’ouestistes et des laseristes.
Les jeunes navigateurs frettois s’ils maitrisent parfaitement leurs embarcations, sont un peu plus spontanés dans l’expression de leurs réactions et leurs émotions, (c’est normal, ce sont des enfants.)
Cette particularité permet de les caractériser relativement facilement, un peu comme les Schtroumpfs, une référence que les plus cultivés d’entre vous sauront apprécier.
Ainsi le Schtroumpf acrobate qui dominait facilement toutes les manches d’entrainement était visiblement dans un jour sans, après avoir heurté, bille, en tête une porte du garage familial. Que faisait la cette porte ? les historiens frettois se perdent en conjectures.
Quoiqu’il en soit, le Schtroumpf acrobate rata scientifiquement toutes ses manœuvres et tous ses bords ; il réussit bien sur quelques acrobaties (c’est normal c’est un acrobate), applaudies par la foule des parents et des admirateurs en dessalant er redressant sans se mouiller les pieds, à de nombreuses reprises, mais ses performances sportives s’en ressentirent cruellement au classement.
Le Schtroumpf hyper stable, celui qui ne dessale jamais, sut, cette fois ci, tirer son épingle du jeu grâce à sa position assise, en, toutes circonstances et à son extraordinaire contrôle d’écoute dans ce vent à rafales. (C’est normal il déteste l’eau) quelle que soit sa position de départ, il virait presque toujours en tête la bouée amont, particulièrement sélective, creusait l’écart au vent arrière et finissait toujours premier Open Bic à l’arrivée.
Le Schtroumpf musclé au mental d’acier ne se laissait jamais décourager, par l’adversité en général et les rafales en particulier. Il alternait les départs aux plannings et les dessalages suivis d’un bain glacial, sans effort apparent (c’est normal, il est très musclé) talonnant sans arrêt le Schtroumpf hyper stable, sans toutefois réussir à le doubler pour gagner.
Le Schtroumpf artiste, ayant chanté tout l’été, fait un bœuf à la batterie avec ses copains et ayant oublié l’heure, « personne m’a prévenu », débarqua en retard.
Il boucla de mauvaise grâce sa première manche, attaqua sans trop y croire la deuxième et prit un bain après une rencontre un peu brutale avec le bateau de sécurité du grand Schtroumpf qui se trouvait sur sa trajectoire très « rock an d roll » au vent arrière, (c’est normal, c’est un artiste). Enfin, il décida d’aller se rhabiller, transi de froid malgré son scaphandre, pendant que le Schtroumpf hyper stable tournait comme une horloge suisse.
Le Schtroumpf silencieux associé au Schtroumpf novice avait prudemment choisi le 320 en double réputé pour son confort et sa stabilité afin d’éviter les bains, il se retrouva même en tête quelques temps sans réussir à conclure.
A la faveur de l’abandon du Schtroumpf acrobate gelé et mal remis de sa rencontre brutale avec sa porte de garage, le Schtroumpf silencieux reprit silencieusement (c’est normal, il n’est pas expansif) la barre d’un Open Bic, alors que le grand Schtroumpf prenait la barre du 320 avec son mètre 85 et ses 80 kilos.
Le grand Schtroumpf put être désencastré à temps, déplié, et remplacé par le Schtroumpf champion qui riait dans sa barbe (c’est normal, il est barbu) à l’idée de gratter les Open Bic, ce qu’il réussit brillamment.
Le Schtroumpf hyper stable, n’était pas le seul à se mettre en valeur, car la Schtroumpfette déchainée à la barre du 420 faisait la course en tête, faisant travailler avec une autorité associée à de désagréables et piquantes remarques son dévoué papa focquier. Ce dernier se voyait ainsi progressivement transformé en galérien par son héritière,( c’est normal, toutes les filles font marcher leur père.)
Les parents des Schtroumpfs régatiers, contemplaient avec fierté, attendrissement ou déception leur progéniture en fonction de la qualité de ses performances comme tout parent professionnel qui se respecte.
Les Schtroumpfs laseristes : le Schtroumpf dessaleur et le Schtroumpf compétiteur regardaient avec émotion et fierté leurs petits frères les Schtroumpfs artiste et hyper -stable (c’est normal ils ont l’esprit de famille) .Ils ne se posaient pas trop de questions sur l’influence de l’inné et de l’acquis, une influence qui aurait du pourtant leur sauter aux yeux.
Les Schtroumpfs organisateurs dévoués qui s’étaient déplacé avaient bien fait les choses avec départ au pavillon, procédure réduite à 3 minutes, deux sécurités sur l’eau et en prime calcul des temps compensés, sur 4 manches (c’est normal ils ont l’habitude d’organiser.)
Tous déplorèrent l’absence remarquée du Schtroumpf poète et du Schtroumpf souriant pris par d’autres activités cet après midi là. (C’est normal, il y a toujours une activité plus sympa que la voile, à leur âge.)
A la surprise générale, c’est finalement la Schtroumpfette qui l’emporta en 420 devant le Schtroumpf hyper stable et le Schtroumpf musclé à l’issue des calculs en temps compensé du Schtroumpf surfeur.
« Tu sais ce qu’elle a osé me dire dans la semaine ? » soupira Jean l’heureux père de la Schtroumpfette, une semaine après l’évènement :
« Vu comment que tu te débrouilles d’habitude, c’est beaucoup mieux quand c’est moi qui barre ! »
Rendez vous l’an prochain pour de nouvelles aventures un peu plus tôt en saison.