REGATE DE LA DERNIERE CHANCE
Il y a des jours où on se contenterait bien d’une régate virtuelle, au coin du feu, façon route du rhum, mais en raccourcissant le trajet du rhum au maximum, entre le récipient et le consommateur, histoire de ne pas trop perdre de temps avec le routage.
En débarquant sur le quai vers 9h30 le comité de course désabusé, qui espérait naivement finir la journée au sec, aperçut sur déjà quelques fanatiques en trains de gréer leurs frêles esquifs dans les glaciales bourrasques de pluie du 11 novembre.
Cette régate de la dernière chance aurait d’ailleurs pu s’appeler la route du rhume.
Mais Il ne fallait pas décevoir le Morbihan et son représentant du Foyer laïc de Lanester au physique de surfer (pas le foyer, le représentant) qui faisait jadis, sur le quai de Seine se pâmer les dames en crinoline, ainsi que les 11 autres équipages équitablement répartis entre doubles et solitaires.
Le comité de course, sensible aux arguments plein de bon sens des coureurs (chantage, insultes, menaces de mort) décida spontanément, d’aligner les manches pour éviter l’épisode tant redouté du renfilage de combinaison mouillée après la pause traditionnelle de midi.
Le vent qui sifflait, laissait présager une régate musclée, et les présages se vérifient parfois.
La première manche fut lancée vers 11 heures sur une Seine sans péniches, mais avec 2 conducteurs de sécurité encore plus motivés qu’à l’accoutumée.
Les Vents d’Ouest abondamment chargés sur l’avant d’une cargaison de personnes de petite taille, vraisemblablement issues de l’école de voile, alternaient les coups de gite et les remises à plat dans un beau mouvement de balancier, tandis que les laseristes s’efforçaient de rester à bord de leurs chers bateaux.
Bientôt, Georges put étrenner efficacement sa mission de sauveteur en repêchant Philippe dont le regard désabusé en disait beaucoup sur le confort de la régate virtuelle comparé à la présente furie des éléments, François assisté de Raphael vint achever de redresser la situation du laser dont la dérive était scientifiquement coincée dans la bôme. Après un ultime regard consterné vers une rive désertée par les dames en crinolines Philippe décida d’en rester là pour reprendre ses esprits son souffle et sa dignité.
Vers l’avant alors que les laseristes et yolistes survivants bataillaient avec le 420 de Jean et Bruno et le PACS régatier reconstitué du Gonzyboat, la promenade romantique en couple de l’équipage du Fireball finit par prendre l’eau sur un bon coup de tangage, fidèle , en celà,à une tradition virant à la malédiction.
Vous avez aimé le premier épisode de” Promenade romantique en Fireball 1 : Le naufrage”, vous allez adorer le deuxième épisode : “le chavirage” .
En connaisseur l’équipage de la 2eme sécurité admira la courbure de la dérive lorsque le barreur rejoignit l’équipière, invariablement au sec sur cette même dérive, pour redresser la situation sans aide extérieure. En jargon de moniteur de voile celà s’appelle : redresser à la voix. Prétextant des craquements de bois sinistres,(on les croit sur parole) l’équipage romantique décida d’en rester là.
En laser Nicolas tournait comme une horloge alors qu’ Amine s’accordait une courte escale, trahi par un nœud d’écoute volatile (traduisez la phrase :l’écoute s’est défaite par : j’ai mal fait mon nœud en .
Laissant le 420, la Yole OK, le jet et les lasers survivants régler leur comptes, les Vents d’Ouest poursuivaient leur route, impassibles, chargés de personnes jeunes et de petite taille, sans crainte du dessalage à l’image de Dominique de Benoit et de Jacques qui fermait la marche avec opiniatreté .
La deuxième manche fut envoyée avec trois concurrents en moins et un long passage couché du bateau dérivant de Manu , mais lors de cette manche fatale, il apparut après un autre dessalage, que faute d’hélitreuillage, Manu n’arriverait pas à regagner son bord, Georges (le Saint Bernard de la régate) après application de la procédure usitée en pareil cas ( quel est ton code de carte bleue ?) récupéra donc le contenant et le contenu , c’est à dire le barreur et le bateau.
Pendant ce temps Bruno continuait à martyriser aux écoutes de foc l’heureux équipier et propriétaire du 420 rouge privé de gants et de poulies (même qu’il avait les mains en sang), mais qu’est ce que Jean n’aurait pas fait pour arriver devant Bruno?,Il est vrai que sa position de focquier judicieusement placée devant le barreur lui accordait un avantage certain dans l’ordre physique des arrivées. …En Jet Gonzague et Halvard avaient tenté un envoi de spi téméraire (osons le caviar,osons le champagne, osons le spi!), mais un empannage imprévu eut des conséquences déstabilisantes.L’ inoubliable séance de baignade qui s’en suivit laissa planer quelques doutes sur la pérennité du” come back de la dream team”..(en anglais dans le texte), le port de la polaire imbibante est d’ailleurs déconseillé en régate en dériveur.
Et pourtant Gonzague qui est à la régate frettoise, ce qu’Alain Prost est à la formule 1 , mérite bien son surnom de « Professeur » .
La troisième manche fut envoyée sans Manu en proie à une période de doute intellectuel et moral bien compréhensible.
Il semblait évident pour un observateur attentif que la yole vautrée sur le flanc en train de se remplir le long du quai pauserait quelques problèmes à Jean Paul, au démarrage de la manche.Il parvint malgré tout à redresser la yole et la situation, Dieu sait comment.
Parallèlement au remplissage de la Yole ok tragique, le quai se remplissait d’observateurs attentifs un peu plus nombreux à chaque manche. L’observateur attentif, en régate, cumulegénéralement cette fonction avec celle de commentateur sportif.
la voile qui est un sport visuellement peu rapide, est un régal pour le commentateur qui n’a pas besoin d’accélérer son débit verbal, je connais ainsi 2 copains laseristes au phrasé plutôt lent qui sont cependant d’excellents commentateurs…
Succédant à Jacques, François, opposé au rappel pour d’obscures raisons médicales, équipé de Raphael opposé au trapèze avec ceinture pour des raisons de mémoire,entreprit de faire une dernière manche avec le VO 127, une lutte sournoise les opposa donc, en temps réel au Gonzy Jet et au VO de Benoit , mais le Ville de Cormeilles franchit toutefois la ligne avant le Paul Fischesser qui avait tiré son avant dernier bord un peu trop loin croyant à une manche de 2 tours, enfin c’est ce qu’on dit après dans ces cas là….
L’expression barrer comme un pied parut conçue pour le barreur du 127, qui tenait ainsi la barre avec le pied arrière,après chaque rafale pour reborder tranquillement l’écoute à deux mains .
Le vent forcissant ainsi que l’appétit des concurrents, on en resta là, à l’unanimité .
Jamais la chaude ambiance du bar des SNF ne parut si conviviale aux équipages transis après leurs exploits du matin.
Lors de la remise des prix, Jean qui remporta la coupe avec Bruno, fit une déclaration solennelle très émouvante au cours de laquelle il remercia ses parents, son barreur, le metteur en Seine et la foule frettoise pour son soutien, il fut très applaudi par une salle éblouie mais il est vrai conquise d’avance.
Nicolas, mort de fatigue, bien décidé à dépasser la gloire de son aîné termine second de la régate, et l’équipage historique labellisé du Jet, 3eme, Dominique remporte la médaille de l’école de voile.
Cette régate SNF du 11 novembre est tout spécialement dédiée au petit Louis, un nouveau sociétaire frettois, né sous le signe du Laser, ascendant Vaurien, qui a choisi ce jour historique pour commencer sa navigation parmi nous. Le bébé et ses heureux parents se portent bien. Pourquoi ne pas transformer cette régate de la dernière chance l’an prochain en “Louis biberon’s cup”qui correspondra au 1er anniversaire de Louis ?